Le tatouage

Mes enfants m’ont questionné tour à tour à un âge similaire sur la signification de mon tatouage. Aujourd’hui, leur petit frère Hugo, à deux ans et demi, aime faire glisser ses doigts sur le motif indélébile de mon épaule, avant de me poser sa sempiternelle question : « C’est quoi, ça ? »

Difficile d’expliquer à un enfant la valeur philosophique, et en son temps psychologique, de ce talisman sous-cutané, qui m’a poussé plus qu’aucun être à porter à son terme le projet de ce premier roman. Alors, je me laisse aller à chaque fois à la confession exotique de mon séjour sous une casemate polynésienne, où l’aiguille de Ronui, la star du tatouage maohi m’a fait suer sans et eau comme un marquage au fer rouge.

 

Pour la petite histoire, Ronui officiait à proximité d’un club de plongée où j’effectuais mon « premier niveau ». A chaque retour de plongée, je le regardais officier sur d’autres corps, puis nous avons fini par communiquer un soir autour d’une bière. Le fait que j’effectuais alors un voyage en solitaire de 10 mois l’intriguait beaucoup et sur le fait de quelques confessions, il s’est mis à me dessiner sur l’épaule une adaptation evhémérisée de mon histoire, où du moins de ce qu’il en interprétait, inspirée du panthéon de ses dieux. Le résultat, deux Tikis dos à dos tournés l’un vers le passé, l’autre vers l’avenir, le tout dans un soleil stylisé, m’a sincèrement plu et le lendemain, la séance de tatouage commençait.

Cet événement a fortement inspiré, bien évidemment, la scène du tatouage d’Aenghus Cork par Taä, le chasseur de baleines marquisien, en qui le lecteur reconnaîtra Ronui, sur la base de cette anecdote. Il a inspiré plus encore la philosophie, puis la trame de ce roman. Je crois qu’avec un peu de recul, ce tatouage constitue la clé de voûte, le point d’encrage de la philosophie dont s’inspire la Quête d’Aenghus Cork. Le porter en moi tout au long de ces quatre années d’écriture et de recherches m’a donné cette Foi si nécessaire à écrire un premier roman et ensuite à le médiatiser.