Longtemps avant celle de l’écrivain, je me suis enivré de la solitude du coureur de fond. Le marathon m’a appris à rester humble face à la souffrance physique, que bien sûr je m’imposais librement et à cultiver une nécessaire discipline pour réaliser mes objectifs. Il m’a appris à savoir vivre seul pour mieux apprécier la vie en communauté.
Mais loin du martèlement régulier des coussins d’air sur le bitume, du divertissement de l’esprit pour le sommet d’une butte ou la course versatile du vent, cette même solitude peut revêtir des atours pernicieux face au miroir sans tain de la page blanche. Le silence a un poids et le champ de vision se limite à des repères trop neutres.
L’histoire aujourd’hui romancée d’Aenghus Cork fut tout d’abord une saga ; à l’image des eddas, ces recueils de poésie norroise qui vantaient jadis les exploits des héros nordiques, « Lughnasadh » s’est tout d’abord déclinés en alexandrins.
« Tout est parti d’un simple vers de douze pieds qui s’est imposé à mon esprit un jour d’errance dans le bush australien » nous confie t’il en souriant avec malice (Voir aussi notre billet « Comment tout a commencé »). Quelques jours plus tard, je quittais Darwin pour Cairns en bus. 41h00 de trajet sur des routes longues et assez monotones…C’est là que je me suis décidé à écrire un long poème, pour agrémenter le recueil que je composais à ce moment, d’une histoire moins intimiste que les précédentes. Comme j’avais visité le bagne de Port Arthur, puis le port de Hobart en Tasmanie, quelques semaines plus tôt, je tenais à raconter l’aventure épique d’un bagnard irlandais devenu ensuite chasseur de baleines au XIXème siècle. »
Comme le chante Jacques Brel, il faut être déterminé à « brûler jusqu’à s’en écarteler pour atteindre l’inaccessible étoile » C’est mon crédo, celui qui m’a poussé à écrire cette fascinante légende irlandaise.
Tout a commencé dans le bush australien, une nuit d’été, sous un champ d’étoiles comme seul l’hémisphère Sud peut en offrir. Je voyageais avec un groupe de jeunes Irlandais et nous avions avalé pas mal de poussière durant la longue étape de la journée. Un de mes yeux était irrité et je l’avais couvert de ma main pour mieux identifier les astres. C’est alors qu’une phrase, ou plutôt un vers, a surgi de mon esprit pour s’imposer à ma conscience comme une révélation :
« Son regard de cyclope se porta vers le Ciel ! »